Nationalité turque Né en 1971 à Mardin (Turquie) Vit et travaille à Istanbul (Turquie) | Biographie Bibliographie Liste expositions |
Halil Altindere, artiste et éditeur kurde, est né en 1971 à Mardin, une ville moyenne au sud-est de la Turquie où cohabitent encore plusieurs religions et ethnies telles que les kurdes, les turcs, les arabes et les assyriens. Il s'installe à Istanbul où il vit et travaille aujourd'hui, après avoir terminé ses études d'art à l'université de Çukurova à Adana où il rencontre plusieurs artistes kurdes avec qui il collaborera par la suite. Tout le travail de Halil Altindere est affecté par sa volonté de résister à la répression quelle qu'en soit la forme, politique, sociale, ethnique ou culturelle. Ses premières œuvres tournent en dérision les tabous de la société turque comme le kémalisme et le militarisme, et dérangent les schémas officiels de représentation.
Pour son installation Tabularla dans (Danse avec tabous, 1997) montrée à la 5e Biennale d'Istanbul en 1997, Altindere fait agrandir sa carte d'identité sur laquelle il modifie son image ; un de ces agrandissements est accroché en face d'un billet bancaire géant sur lequel le portrait d'Atatürk cache son visage entre ses mains. Deux ans après la Biennale, Altindere participe avec d'autres jeunes artistes de Turquie à l'exposition Iskorpit en Allemagne, dont le commissariat est assuré par René Block. A côté de Danse avec tabous, plusieurs de ses œuvres sont présentes : Bir Türk dünyaya bedeldir (Un turc vaut le monde) est un écriteau lumineux et Kayiplar ülkesine hos geldiniz (Bienvenu au pays des disparus) se compose de timbres sur lesquels sont imprimés les visages des disparus. En Turquie, les travaux de Halil Altindere attirent non seulement les foudres de la presse spécialisée bien pensante, mais également provoquent un scandale politique à Ankara.
Par la suite, Altindere participe à un nombre important de grandes manifestations sur la scène internationale, comme la 4e Manifesta et la 12e Documenta où il présente son installation vidéo Dengbejler (Les dengbejs, 2007). L'attitude de l'artiste évolue dans ses œuvres récentes où il laisse plus de place à la poésie et aux symboles indirects tout en gardant un fond résolument politique. En 1999, par le biais de la maison d'édition qu'il a fondée, il commence à éditer la revue d'art contemporain Art-Ist, et il publie de nombreux ouvrages dont User's Manuel Contemporary Art in Turkey 1986-2006, un important recueil où figurent un grand nombre d'artistes turcs et kurdes mais également les textes des acteurs majeurs de la scène contemporaine dans ce pays. L'ouvrage est également le produit d'une autre activité de Halil Altindere qui a assuré le commissariat de cinq expositions importantes, dans de différents lieux à Istanbul : Kötüyüm ve gurur duyuyorum (Je suis mauvais et j'en suis fier) en 2002, Seni öldürecegim için üzgünüm (Je suis tellement triste de t'assassiner) en 2003, Serbest Vurus (Le coup franc) qui fait partie des manifestations parallèles de la 9e biennale d'Istanbul en 2005. Le catalogue de cette exposition fait l'objet d'une enquête judiciaire en raison de son contenu portant préjudice à l'image de l'armée ; la décision du tribunal de le retirer de la vente est annulée par un deuxième procès. Altindere organise Gerçekçi ol, imkansizi iste (Sois réaliste, demande l'impossible) en 2007, et Fikirler suça dönüsünce (Quand les idées deviennent des crimes) en 2010. Les titres de ces expositions soigneusement choisis donnent une certaine idée de leur contenu, du moins de leur engagement esthétique et politique. Les travaux de Halil Altindere, ses œuvres, les expositions qu'il a conçues mais également les publications qu'il a éditées ont été à l'origine en Turquie d'importantes modifications dans la conception et la perception de la création artistique en Turquie.
Yekhan Pinarligil