Nationalité française et américaine
Né en 1925 à Moulins (France). Décédé en 2021
Biographie
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Biographie

Jean Dupuy naît en 1925 en Auvergne. Après un bref passage à la section architecture de l'Ecole des Beaux-arts de Paris, il se consacre à la peinture, pratiquant une abstraction gestuelle proche des œuvres de Georges Mathieu et de Jean Degottex. Il abandonne cette production en 1967, détruisant de nombreuses œuvres avant de s'installer à New-York, où il demeure jusqu'en 1984.


Les premiers succès américains de Jean Dupuy s'inscrivent dans la lignée des travaux du groupe Experiments in Art and Technology qui, mené par Robert Rauschenberg et Billy Klüver, entreprend de tisser des liens entre artistes et ingénieurs. Une partie de la production de l'artiste est alors consacrée à montrer au spectateur, par le biais d'un dispositif technique, une partie invisible de son anatomie : un télescope permettant de voir son propre œil (180 degrés, 1972), une sculpture de poussière évoluant au rythme du cœur du spectateur (Cone pyramid, 1968), un appareil destiné à lui faire voir l'intérieur de son oreille (Ear, 1972), etc.


En 1973, Jean Dupuy quitte la galerie d'Ileana Sonnabend et organise une exposition collective dans son appartement. La manifestation réunit une trentaine d'artistes - parmi lesquels Nam June Paik, Gordon Matta-Clark, Antoni Muntadas, etc. - qui sont invités à produire des œuvres éphémères. Jean Dupuy abandonne alors progressivement la réalisation d'œuvres matérielles pour se consacrer à la performance, et devient l'un des organisateurs incontournables des manifestations collectives du Soho des années 1970.


1973 est également l'année de la première anagramme de l'artiste, qui, trouvant les mots "American Venus Unique Red" sur l'un de ses crayons, compose les mots "Univers Ardu en Mécanique". Cet événement apparemment anecdotique conditionne considérablement l'œuvre de Jean Dupuy qui, retourné à la production d'objets à la fin des années 1970, fait du jeu anagrammatique l'un des moteurs de son œuvre. Depuis 1979 il compose ainsi, à l'aide de ce procédé, plusieurs centaines de textes généralement écrits à la gouache sur papier, parfois publiés dans des livres d'artiste (Ypudu, 1984).


Si les anagrammes occupent dès lors une place majeure dans l'œuvre de Jean Dupuy, celui-ci réalise également des œuvres à partir d'objets trouvés (galets ramassés sur la plage, morceaux de récifs évoquant des têtes d'animaux, etc.) et renoue aussi avec les dispositifs interactifs de ses premières années new-yorkaises (Clé de sol, 1989).


Souvent rapproché du Marcel Duchamp anagrammiste d'Anemic Cinema, de la fascination surréaliste pour le jeu ou de l'inventivité technique du premier cinéma burlesque, l'œuvre de Jean Dupuy semble à première vue s'organiser selon une périodisation assez évidente : des premiers objets aux performances, des performances aux anagrammes. Elle est cependant loin d'être incohérente, et semble intégralement traversée par la notion de "trouvaille", avec ce que ce mot implique d'ingéniosité légère, de perte entre le hasard et la recherche, entre l'intuition et l'intention. La démarche de Jean Dupuy pourrait alors être résumée en un seul de ses anagrammes : "Ah, c'est drôle, mais / le hasard, c'est moi".




Philippe Bettinelli