Nationalité allemande
Né en 1932 à Leverkusen (Allemagne). Décédé en 1998
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Biographie

"Chaque humain est une oeuvre d'art !"


"Le dé-collage-fluxus happening est la sanctification du phénomène vital de l'oeuvre d'art."


C'est au moyen de ces phrases toutes faites que Wolf Vostell (né en 1932 à Leverkusen) a formulé, dès le début des années 60, sa vision esthétique et politique de l'art de l'analogie : "L'art équivaut à la vie - la vie équivaut à l'art". Si bien que l'artiste d'action tire les conséquences de l'"objet trouvé" de Marcel Duchamp, dans lequel il compare les moments de la vie à des oeuvres d'art rencontrées ("Vie trouvée"). Dans cette mesure, la comparaison de l'homme à une oeuvre d'art est multiple et ambiguë, comme l'explique plus en détail Wolf Vostell : cet homme, qui est déjà artiste, ne l'était pas au début. Il s'agissait plutôt d'une "structure unique ", qui peut devenir créative grâce aux qualités esthétiques de ses simples fonctions, en les utilisant en tant que phénomènes rencontrés (Wolf Vostell considère les yeux, le bruit des pensées et le système nerveux comme des oeuvres d'art) et au travers desquelles il s'épanouit. Wolf Vostell renvoie à l'exemple célèbre de Shakespeare, qui a pu, au travers d'Hamlet, découvrir ce qu'il était, et non pas l'inverse, c'est-à-dire découvrir Hamlet au travers de Shakespeare. Pour ressentir la vie comme un art, un processus d'esthétique doit s'établir. L'artiste l'atteint au moyen du Happening : il s'agit d'une mise en place particulière de la réalité liée à des événements de la vie, qui se traduisent par un "langage d'images d'action" et "une action de langage imagé " (Wolf Vostell).


C'est de Fluxus et du happening de l'artiste que vient le concept de décollage en image. C'est aussi de là qu'il en a tiré l'idée d'opposer esthétiquement les actualités et le résultat de la compréhension de ses oeuvres. Wolf Vostell, qui se considère comme le descendant du dadaïsme, a découvert avec le décoll / age, comme Max Ernst avec le collage, davantage qu'un simple principe artistique : il a donné naissance à la base de sa propre théorie de l'art. Cette naissance a eu lieu le 6 septembre 1954, époque à laquelle Wolf Vostell était en première année à l'Ecole nationale supérieure des beaux-arts et assistant de A. M. Cassandre, après avoir effectué son apprentissage en lithographie (1950-53). Dans un café, il entend par hasard une information du Figaro selon laquelle un avion se serait écrasé juste après son décoll / age. D'autres présages de détachement de choses collées, de séparations, de départs, de morts furent le fondement de ses oeuvres constituées de coupures de journaux, de morceaux transposés et de peinture, associant des montages d'objets réels et de photographies rendues méconnaissables en utilisant de la craie et de la gouache. En 1957, Wolf Vostell arrive à la Kunstakademie de Düsseldorf. Au début des années 60, il crée des décoll / ages sur différents thèmes socio-politiques, comme la disposition sérielle et la peinture d'un exemplaire du Life-Magazine avec en couverture Fidel Castro (1963), ou l'oeuvre Wochenspiegel / Beatles (1961-66) recouverte d'affiches collées les unes sur les autres. Les bases sont recouvertes de plusieurs couches de panneaux, les couches inférieures ayant été mises au jour en arrachant ou brûlant les couches supérieures. La fragmentation des morceaux de texte et les inscriptions témoignent de la méthode de travail de Wolf Vostell, qui utilise la destruction, non pas comme un acte destructeur, mais plutôt comme une nouvelle forme esthétique qui permet de dévoiler les choses de manière composée et fragmentaire.


Le fait que, d'une part, ses peintures soient souvent apparues en série ou comme des oeuvres uniques durant la préparation de ses actions et de ses happenings et que, d'autre part, le processus soit mis en relief comme un déroulement de l'action a une signification primordiale. Le happening, défini à la fois comme événement et action par Wolf Vostell et Allan Kaprow en 1963, offrait une authenticité particulière de l'expérience.


Le premier happening de Wolf Vostell avec un téléviseur et des pièces de voitures a eu lieu en 1958 dans le Passage de la Tour, à Paris, sous le titre Le théâtre est dans la rue. Il était le premier artiste à ajouter une télévision dans ses objets et à intégrer ainsi à son travail le monde extérieur changeant et scintillant. Selon une déclaration de Wolf Vostell, ces impulsions étaient à la base des premières expérimentations de Nam June Paik avec la vidéo et les Allemands de Cologne étaient donc les pionniers de ce nouveau média, bien avant les New-Yorkais.


Wolf Vostell utilise d'abord la télévision comme une sculpture d'information, qu'il intègre à son environnement de manières multiples. Plus tard, il réalise plusieurs vidéos et films, dans lesquels il applique sa technique du décoll / age et l'enrichit (Die Nackten und die Toten, 1983, et TV-Cubisme Liège). En 1959, le happening Fernseh-Dé-coll / age für Millionen a lieu à Cologne. La même année, il épouse l'Espagnole Mercedes Guardado Olivenza. Quelques années après, il s'installe à Cologne où, depuis 1954, il est en contact avec Stockhausen. De plus, il pense avoir là-bas davantage de possibilités de réalisation avec les nouveaux médias qu'à Paris, grâce au fonctionnement avant-gardiste des studios électroniques de la Westdeutschen Rundfunk (WDR). Il a ainsi pu vivre et développer dès le début l'ascension de Cologne en tant que métropole artistique. En tant que participant à la création du mouvement Fluxus en Allemagne, Wolf Vostell organise en 1962, en collaboration avec Paik et Maciunas, le premier Festival international Fluxus qui, pour des raisons d'organisation, a lieu à Wiesbaden. Wolf Vostell explique dans une interview avec Gabriele Lueg qu'il prend part au mouvement Fluxus par égard pour les peintres américains inspirés par John Cage sous l'aspect "Musique des artistes formés". Il affirme aussi que chacun des "fluxistes" apporte déjà sa propre vision, ce qui ne facilite pas la création d'une définition de la vie et de l'esprit. Wolf Vostell, par sa volonté de lier la vie quotidienne à l'interdisciplinarité, s'oppose, tout comme Maciunas, à toute forme de séparation de l'art et de la vie, de séparation artistique de l'artiste et de l'acteur ainsi que du public, et l'affiche délibérément dans ses formes anti-artistiques.


A partir de 1961, Wolf Vostell travaille de plus en plus avec les estompes de décoll/age et organise Cityrama: 26 lieux à Cologne, un voyage à travers les rues de Cologne ayant pour sous-titre "Démonstrations permanentes réalistes". C'est dans ces rues qu'il puise l'inspiration pour ses panneaux de décoll / age représentant des ruines et des murs. Il souhaite présenter ses oeuvres dans leur contexte en tant que "ready-mades". Il effectue ce genre de promenade dans la ville et montre à plusieurs reprises la vie quotidienne (In, Ulm um Ulm, und um Ulm herum, 1963 - Paris 1963 et Wuppertal 1964), comme par exemple à Paris, où le public intéressé est conduit en bus dans les différents endroits de la ville qui sont à voir et passe ainsi un moment de vie en commun.


Wolf Vostell, qui parle cinq langues et habite depuis 1961-62 dans quatre pays à la fois (Allemagne, Italie, France, Espagne), met en place en 1968, en collaboration avec Mauricio Kagel, Feussner et Heubach, "Labor e.V.", une société interdisciplinaire pour la recherche acoustique et visuelle, qui n'existe malheureusement que sous la forme d'une manifestation, Course de 5 jours, dans le parking souterrain de la Kunsthalle de Cologne. Un an plus tard, Wolf Vostell mesure de manière provocante l'opéra de Cologne avec du pain lors d'un happening (Brotvermessung) et enrobe de béton une voiture. Il a l'intention d'exposer son oeuvre baptisée "ruhender Verkehr" (circulation silencieuse) sur un parking devant le vieux musée Wallraf Richartz, mais on le lui interdit au dernier moment. En 1970, la fermeture temporaire de l'exposition Happening & Fluxus, à cause de manifestants contre les actions de Nitsch et Muehl à l'Association pour l'art de Cologne, illustre bien les forces contre-productives qui existent à Cologne. En 1970-71, juste avant de partir pour Berlin, Wolf Vostell met en place dans un train deux importants happenings (Salat eut lieu dans un train entre Cologne et Aix-la-Chapelle), ainsi que sa symphonie vietnamienne pour l'année Beethoven (1970) qu'il n'a jamais réalisée. Il avait l'intention de passer 72 heures sur le quai 7 b de la gare de Cologne et d'accueillir les voyageurs qui arrivaient des différents trains et des quatre points cardinaux en leur proposant de faire du repassage ou du lavage, en leur offrant des couronnes et en leur cuisinant des oeufs sur le plat. Le thème du voyage, du mouvement dans différentes directions, comme celui du train, jouent un rôle prépondérant chez Wolf Vostell. C'est ce qui ressort aussi en 1981, lorsqu'il parcourt la Ruhr et va jusqu'à Cologne, Berlin et Bonn en train Fluxus, dans lequel il a installé le "Musée mobile Vostell" : chaque wagon est décoré dans un style happening de l'artiste. Dans l'un, il donne un "concert Fluxus noir", durant lequel le public produit des sons en parcourant le conteneur ; dans un salon en béton, il met en évidence "L'isolement de l'homme" ; dans un troisième, "Trop grande stimulation des médias", on voit une vieille Daimler Benz équipée de 20 téléviseurs. Dans chaque ville, il y avait ensuite un programme culturel, dont le titre changeait d'une ville à l'autre, suivi d'un autre programme collant à l'esprit de Wolf Vostell, par exemple un débat à Aix-la-Chapelle ou la querelle avec les médias à Oberhausen (par exemple : Aix-la-Chapelle - le chemin contradictoire, Oberhausen - le chemin médium).


A l'occasion du 9 novembre 1989, Wolf Vostell met en place un écran de télé géant de 6 mètres sur 3 et un personnage en béton d'apparence humaine habillé d'acrylique et de plomb. Cette mise en scène devait afficher au grand jour la misère de l'humanité, tout en gardant un peu d'espoir. La même année, il crée Millionenkasten, un ensemble de photos de déblayeuses et d'objets réels tels que des téléviseurs couleur et des briques, dans le but d'évoquer la grisaille de l'après-guerre.


Wolf Vostell se consacre ensuite à l'environnement équipé de ready-mades, aux assemblages (Umgraben, 1970, Lippenstiftbomber, Yuste, 1975) et aux sérigraphies avec des titres ironiques (Jetzt sind die Deutschen wieder Nr. 1 in Europa, 1968). Dans les années 80, il multiplie les dessins et les peintures à l'huile. Alors qu'il s'était déjà intéressé aux modèles de l'histoire de l'art dans les années 50, il crée en 1983 plusieurs dessins de tableaux connus, tels que la bataille disparue d'Anghiari de Leonardo, les Demoiselles d'Avignon de Picasso et des tableaux de Barnett Newman.


Wolf Vostell sculpte aussi plusieurs monuments, comme 2 Beton-Cadillacs in Form der nackten Maja pour le Skulpturenboulevard de Berlin en 1986-87 ou VW für Zen, en plastique, à l'occasion des Jeux olympiques de Séoul en 1988. Lors du Festa di un'altro Mondo en 1996, à Milan, il crée une sculpture de 18 mètres de haut composée d'un Mig russe, de voitures, de pianos et de téléviseurs.


Depuis 1992, l'artiste Fluxus avait le titre de professeur. Un musée qui lui était dédié, le Museo Vostell Malpartida à Cáceres, avait été réouvert en 1994. Wolf Vostell est mort en 1997 à Berlin.




Lilian Haberer