Nationalité suédoise
Né en 1926 à Stockholm (Suède). Décédé en 1997
Biographie

Biographie

Lars Fredrikson naît à Stockholm en 1926. Il fait de brefs passages auprès de formations de dessin et de peinture en Suède et à l’Académie de la Grande Chaumière à Paris, en 1947. Il y développe une pratique picturale qui influence et structure son approche des autres médiums, pratique qui l’accompagne jusqu’à la fin de sa vie. Du fait de son éducation scientifique et de son intérêt autodidacte pour l’électronique, son parcours artistique côtoie de près l’histoire des techniques. Lors de son service militaire, il réalise des « sculptures » à l’explosif sur les plages suédoises. Il devient quelques années plus tard ingénieur radio dans la marine marchande, jusqu’à son installation en Provence au début des années 1960.



Là, Fredrikson s’approche de la tendance cinétique à travers la production d’œuvres électromécaniques et luminocinétiques, exposées notamment à la galerie Denise René-Hans Mayer à Krefeld, à la Galleria del Naviglio à Milan, et à la Fondation Maeght, à Saint Paul de Vence. Il entreprend également la production d’une série d’œuvres sur inox, au travers desquelles il donne une place toute particulière au mouvement, celui de l’œuvre mais aussi du spectateur, dans l’espace d’exposition.



À partir du début des années 1970, il entretient d’étroits liens avec la poésie, dans le cadre de productions de poésie sonore et d’éditions. Il collabore, entre autres, avec Anne-Marie Albiach, Anthony Barnett, Maurice Benhamou, Jean de Breyne, Jean Daive, Roger Giroux, Roger Laporte, Claude Royet-Journoud ou Alain Veinstein.



Autodidacte, Fredrikson fabrique lui-même une partie de ses outils électroniques. En 1969, il dépose le brevet d’invention d’un synthétiseur lui permettant de générer des impulsions qu’il injecte dans des écrans cathodiques. La même année, il montre un téléviseur lors de l’exposition « Electromagica 69 », au Sony Building à Tokyo, auprès des principaux représentants internationaux de la cybernétique. Il figure dans la première exposition majeure d’art vidéo en France, « Art vidéo Confrontation 74 », au Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, en 1974. Les éclats lumineux ainsi produits entrent, selon Fredrikson, en résonance avec les rythmes corporels et génèrent des effets psychophysiques et hallucinatoires : « Je me suis rendu compte (j’étais complètement plaqué contre l’écran), qu’à certaines fréquences, je voyais certaines couleurs (je te rappelle que l’appareil était en noir et blanc) avec une intensité que je n’avais jamais connue auparavant (ou alors peut-être parfois quand j’avais fumédu haschich et des choses de ce genre). […] C’était comme si je regardais dans l’écran mais que le regard se retournait et regardait dans l’œil la tache aveugle » [1]. Ce synthétiseur est également utilisé dans de nombreuses pièces sonores.



Les productions sonores sur bande les plus anciennes qui nous soient parvenues remontent à 1969. C’est aussi l’année où l’artiste fait ses premières expositions où apparait ce médium. À l’instar de Max Neuhaus, et tout en bénéficiant des avancées considérables qui l’ont précédé, cette production s’inscrit dans une tendance de rejet et d’émancipation vis-à-vis des pratiques musicales. Elle se caractérise par l’abandon de la grammaire de composition et par le transfert, dans le domaine sonore, des éléments constitutifs des arts visuels, notamment ceux de la peinture et de la sculpture. Lars Fredrikson en fait la démonstration, en 1978, à la galerie La Caisse à Nice, en laissant l’espace d’exposition en apparence vide, y diffusant seulement le bruit d’un pinceau sur une toile. Sa conception de l’écoute invite à une exploration corporelle et mentale de l’espace plastique généré par ses œuvres sonores.



Lars Fredrikson enregistre en 1969 les battements de cœurs de Françoise Hardy pour un concert de René Koering lors des Nuits de la Fondation Maeght [2]. En 1979 il collabore au ballet Traversée des Lieux, conçu et m-Pierre Soussigne à partir de ses conversations avec Samuel Beckett. Il interroge également les habitudes perceptives dans les contextes architecturaux, en venant brouiller les usages des lieux, ou en invitant à une exploration aveugle d’un espace sonore plongé dans l’obscurité – comme lors de l’exposition « Sous le soleil », à la Villa Arson, en 1990. Son travail sonore bénéficie de plusieurs expositions personnelles, notamment à la Maison des quatre vents, en 1969 à Paris, à la Galerie Catherine Issert de Saint-Paul-de-Vence en 1981, et plusieurs fois à la galerie L’Ollave à Lyon dans les années 1980.



À partir de 1974, il réalise de nombreuses œuvres avec la technique, alors émergente, du fax. Ces impressions sont souvent issues d’informations de presse ou de météorologie, que Fredrikson, radioamateur, parvient à capter. L’artiste les brouille parfois par l’injection de signaux sonores. Il est également possible que certains de ces motifs soient la résultante de la réception d’événements électromagnétiques cosmiques. On y lit le passage du stylet comme l’incarnation visuelle de flux ondulatoires non jugulés par les moyens de communication, amenant à une certaine intimité visuelle avec le signal, médiateur de phénomènes invisibles.



En 1970, il est accueilli comme professeur de gravure puis d’audiovisuel à la Villa Arson, alors École des Arts Décoratifs de Nice, où il ouvre en 1986 le premier studio son consacré à l’enseignement des pratiques sonores plastiques dans une école d’art en France.



La production de Lars Fredrikson prend racine dans les concepts du constructivisme et traverse, des années 1960 à 1990, plusieurs tendances et étiquettes – l’abstraction lyrique ou gestuelle, le cinétisme, le LSD art, l’art vidéo, l’« art sonore » etc. Son approche, protéiforme, est toutefois très cohérente : s’attachant aux domaines des flux énergétiques telluriques, sidéraux ou intérieurs, mais aussi au langage, il en redéfinit les potentiels plastiques pour mieux interroger les notions d’espace, de vide, de rythmes corporels, et leur convolution avec les lois cosmiques.



Lars Fredrikson décède à Vevouil, dans le Vaucluse, en 1997.



Léa Dreyer, 2020




[1] Fredrikson, dans un entretien non daté avec Maurice Benhamou, in Maurice Benhamou, Le visible et l’imprévisible, Paris, L’Harmattan, 2006, p. 193.



[2] Entretien de l’auteure avec Madeleine Fredrikson-Germain, le 4 septembre 2018.