![]() | Nationalité française Né en 1962 à Paris (France) Vit et travaille à Santiago du Chili (Chili) | Biographie Bibliographie Liste expositions |
Pierre Huyghe est né en 1962 à Paris. Après un cursus artistique à l'Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs de Paris de 1982 à 1985, il connait sa première expérience collective au sein des Frères Ripoulin. Ce groupe, actif entre 1984 et 1988, se compose de 6 peintres : 3carrés, bla+bla+bla, Manhu, Ox, Closky et Piro Kao, pseudonyme de Pierre Huyghe. Ils se caractérisent par le collage d'affiches peintes dans la rue, pratique qui les rapproche de Jean Faucheur, autre pionnier dans ce domaine, et les conduisent en janvier 1985 à exposer à la galerie Tony Shafrazi à New York.
Presque une décennie après cette expérience formatrice au fonctionnement du monde de l'art, Pierre Huyghe se manifeste de nouveau avec une série d'œuvres traitant de l'univers fictionnel et des conditions de production de l'industrie du cinéma.
En 1994, il propose Remake, un film de 100 minutes qui reprend plan par plan le film Fenêtre sur cour d'Alfred Hitchcock. En 1997, avec Blanche-Neige Lucie, Pierre Huyghe dévoile le visage de Lucie Dolène, la voix française de la Blanche Neige de Walt Disney, à l'issue de son procès avec le géant du film animé américain. Il s'inspire également du processus de doublage en 1996 dans Dubbing.
Il travaille aussi la photographie, avec les œuvres Rue de Longvic en 1994 à Dijon ou Little Story en 1995 à Amsterdam. Pierre Huyghe utilise le mobilier urbain existant (arrêt de bus ou panneau d'affichage) pour exposer des images. Il met en avant le principe de mise en abime d'un contexte, notion qui se retrouve tout au long de son travail.
En 1995, il fonde “l'Association des Temps Libérés”, qui regroupe tous les artistes de l'exposition Moral Maze qui se tient en 1995 au Centre d'Art le Consortium de Dijon avec entre autres Douglas Gordon, Dominique Gonzales-Foerster, Rirkrit Tiravanija, Carsten Höller... L'objet de ce rassemblement est de “développer des temps improductifs pour une réflexion sur les temps libres et l'élaboration d'une société sans travail” et se matérialise par le biais de réunions publiques, conférences, parutions, fêtes... Pierre Huyghe pose ainsi les bases de sa réflexion sur le contexte de l'exposition et de son besoin de redéfinir les conditions de monstration des œuvres.
En 1996, il créé en collaboration avec Philippe Parreno un personnage de fiction nommée Anna Sanders, qu'il fait vivre d'abord au travers d'un magazine. L'année suivante, cette héroïne imaginaire donne son nom à une société de production “Anna Sanders Film”, dont l'objet est d'accompagner la production de films d'artistes plasticiens.
Après avoir reçu en 1998 une bourse pour la Villa Kujoyama à Kyoto, il renouvelle sa collaboration avec Philippe Parreno en 1999 en achetant à un studio de graphisme japonais le personnage de Ann Lee, une héroïne féminine manga, vendue sous la forme d'un fichier numérique. A l'instar d'Anna Sanders, Ann Lee devient une coquille vide que vont s'approprier 18 artistes invités.... Le projet global prend le nom de “No ghost, just a shell” et s'achève en 2003 avec l'achat par le Van Abbe Museum de Eindhoven de la série des 28 œuvres produites dans ce cadre.
En 2000, il réalise Third Memory, une vidéo de 10 minutes, relecture d'un fait divers de 1974 et du film qui en est inspiré, Un après-midi de chien de Sydney Lumet. Pierre Huyghe retrouve John Wojtowicz, à la fois le protagoniste d'un hold-up raté et aussi l'inspiration du personnage interprété par Al Pacino dans le film de 1975. Wojtowicz devient alors le héros central de la vidéo de Pierre Huyghe, il est replacé dans une modélisation de la banque et, entouré des figurants qui sur ses indications, réactivent les événements de 1974. Se joue alors dans cette “troisième mémoire”, un aller-retour permanent entre la mémoire des faits avérés et la fiction qu'ils ont engendrée.
Le travail de Pierre Huyghe est récompensé en 2001 par le prix spécial du Jury de la Biennale de Venise.
Au Centre d'Art de Bregenz en 2002, Pierre Huyghe investit le bâtiment avec un projet intitulé L'expédition scintillante et inspiré d'un livre d'Edgar Allan Poe. L'exposition est conçue comme une fiction fragmentée, dont chaque élément séparé permet de récréer une situation imaginaire. Aux différents étages de l'espace d'exposition, se trouvent un bateau de glace fondant au fur et à mesure des changements d'un microclimat contrôlé, la modélisation d'une montagne accompagnée d'une musique et d'un jeu de lumière originaux et une patinoire de glace noire. Ces éléments préfigurent une expédition future en Antarctique.
En 2003, Pierre Huyghe conçoit au DIA Center de New York Streamside Day Follies une exposition et une vidéo de 26 minutes autour d'une communauté imaginaire et de ses rites. A première vue vide, la galerie s'anime et cinq murs mouvants viennent à intervalles réguliers former un cube de projection pour la vidéo. Cette dernière débute sur un paysage bucolique presque irréel avant de suivre le parcours initiatique d'une famille à l'intérieur d'une communauté dont les règles sont définies par l'artiste. Pierre Huyghe s'inspire à la fois des “gated communities”, ensemble de résidences surveillées typiques de l'Amérique du Nord, des utopies sociales et architecturales du XIXème siècle, par exemple celle de Proudhon et de l'univers léché des films d'animations.
L'Université d'Harvard invite Pierre Huyghe en résidence en 2004. A cette occasion, il conçoit le projet This Is Not A Time For Dreaming, film de 24 minutes dans lequel il relate le parallèle entre son expérience de la commande et celle de l'architecte suisse Le Corbusier, invité en 1955 à construire un pavillon dédié aux arts pour cette même université. Pierre Huyghe fait construire une maquette des lieux et des marionnettes pour personnifier les différents protagonistes et interpréter sa fiction. La seule représentation du spectacle est filmée en novembre 2004 et présentée l'année suivante à la Biennale d'Art Contemporain de Lyon.
En février 2005, l'expédition imaginée au Centre d'Art de Bregenz prend vie et Pierre Huyghe navigue en compagnie de cinq artistes à la recherche d'une ile aux confins de l'Antarctique. En octobre 2005, ce voyage se transforme en spectacle, accompagné par un orchestre symphonique à la patinoire Wollman de Central Park à New York. La réunion de ces deux expériences filmées constitue ensuite un film de 26 minutes A Journey That Wasn't présenté pour la première fois au Whitney Museum de New York. Pour l'artiste, la réalité est plus à même d'être saisie par le biais de la fiction que par celui d'un récit objectif.
Le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris accueille en 2006 Celebration Park, une exposition rétrospective de Pierre Huyghe qui lui permet d'expérimenter son désir de recadrer les caractéristiques de l'exposition, en proposant par exemple une rupture de l'unité de temps avec un prologue de trois semaines.
A l'occasion de la Biennale d'art contemporain de Sydney en 2008, Pierre Huyghe conçoit A Forest of Lines, un événement de 24 heures qui transforme l'Opéra de Sydney en labyrinthe de verdure dans lequel les visiteurs doivent retrouver une chanteuse folk. Il manifeste une nouvelle fois sa conception de la performance comme un médium en soi et comme le support d'une réactivation future.
Laetitia Rouiller