![]() | Nationalité suisse Née en 1962 à Buchs (Suisse) Vit et travaille à Zurich (Suisse) | Biographie Bibliographie Liste expositions | Conférence au Centre Pompidou, "Vidéo et après", 20 février 2006 |
Née le 21 juin 1962 dans la vallée du Rhin, dans le canton de Saint-Gall, Suisse, Pipilotti a suivi des études de graphisme et de photographie à la Hochschule für Angewandte Kunst à Vienne (Autriche) et à la Schule für Gestaltung, classe de vidéo, de Bâle (Suisse). Elle travaille comme artiste et musicienne à Zurich, avec pour domaines de prédilection la vidéo et l'informatique. Elle a été membre du groupe de performance musicale “Les Reines prochaines” (avec e.a. Muda Mathis), et du laboratoire pour l'image et le son “Dig It”. Elle est cofondatrice du collectif VIA (Art audio et vidéo) de Bâle, et du Videoladen de Zurich. Productrice, réalisatrice et souvent protagoniste de ses vidéos, Pipilotti accorde beaucoup d'importance à l'indépendance du processus de production artistique; c'est la raison de son choix pour la vidéo et les techniques numériques contre le film traditionnel. Ses bandes vidéo ont été présentées dans de nombreux festivals et musées en Suisse et à l'étranger, et ont été diffusées sur des chaînes de télévision. En 1992, la présentation de sa vidéo Pickelporno aux Journées du film suisse de Soleure (Suisse) a été le tournant de sa jeune carrière. Elle a depuis enchaîné les expositions collectives et personnelles prestigieuses, avec entre autres la Biennale de Sao Paulo (Brésil) en 1994, la Biennale de Lyon en 1997, et celle de Venise en 1999, au cours de laquelle elle a reçu le “Premio 2000”. Son exposition Remake of the Week-End, qui a tourné de Berlin à Vienne et Paris en 1998 et 1999, a consacré sa particularité dans la génération montante des artistes qui utilisent la vidéo en référence à la culture populaire de l'image (télévision et/ou cinéma). Durant cette même période, de 1996 à 1998, elle assume la fonction de directrice artistique de l'exposition nationale suisse (Expo.02); le style unique qu'elle impose à cette vénérable institution de promotion nationale, de même que la surprise de sa démission à mi-course, contribuent largement à populariser sa figure en Suisse, où elle est une des rares artistes, avec Jean Tinguely, dont le nom et la figure sont connus de tous, assumant en cela un véritable statut d'artiste pop au sens warholien du terme.
L'usage de la vidéo dans le sens d'une critique des médias ou d'une réflexion phénoménologique n'est pas du tout l'orientation de Pipilotti, qui s'intéresse à la télévision en tant que joyau de la culture pop. Elle se situe radicalement après MacLuhan et Nam June Paik, en plein dans le village global. Dans ses environnements monumentaux, (première occurrence: La Chambre, installation avec meubles géants, 1994) elle tire parti des potentiels graphiques et sonores de la télévision, les considère comme parties d'un ensemble d'ambiance fait de design, de mode, de sculptures et de projections, sans oublier l'omniprésence de la musique, qui plongent le spectateur dans des environnements où il perd ses repères. Dans Art of the Millenium, publié par Uta Grosenick et Burkhard Riemschneider chez Taschen en 1999, une citation a été choisie pour caractériser Pipilotti: “Les messages véhiculés sur le mode émotionnel et sensuel peuvent briser plus de préjugés et d'habitudes que des dizaines de pamphlets et de traités intellectuels.” Elle s'attache d'ailleurs à des problématiques très contemporaines, notamment à la différence des sexes, à l'identité, à la féminité et à la culture du divertissement.
Bien qu'elle joue elle-même dans plusieurs de ses vidéos, elle ne s'identifie pas à tous les coups avec ses artefacts, mais garde une distance ironique, à la fois rebelle et coquette. L'identité de l'artiste en tant que femme n'est pas jouée sur le mode tragique, mais est vue sous le mode performatif, souvent traduite par l'utilisation de la voix et du chant, avec un mélange tout à fait spécifique de travestissement, de rapport ludique aux machines et de sens de la provocation humoristique. De nombreux journalistes se sont plu à opposer cette image de “bad girlie” à celle d'un féminisme académique. Cependant, dans un article de 1996 (in: Parkett No 48), Nancy Spector relevait le féminisme profond du travail de Pipilotti, dans le sens défini par Luce Irigaray ou Hélène Cixous, à savoir une exploitation des valeurs dites féminines, la fluidité, la souplesse, la plasticité par exemple, omniprésentes chez Pipilotti sous la forme métaphorique de la mer. Lorsqu'une journaliste de télévision demanda à Pipilotti si elle était féministe, il lui fut répondu: “Oui, noblesse oblige”. Dès ses premières bandes vidéo au milieu des années 80 où elle se mettait en scène avec beaucoup de détachement et d'humour (I'm not the Girl who Misses much, 1986 comme exemple canonique), et dans les concerts qu'elle donne à cette même époque avec le groupe des “Reines prochaines”, Pipilotti a fonctionné en imbriquant toujours son propre personnage à ses oeuvres, en mêlant création et discours promotionnel, en assumant pleinement son statut de personnage public. Elle compose elle-même ses musiques, souvent en réinterprétant des airs connus (de John Lennon à Chris Isaak); elle utilise une multiplicité d'objets quotidiens (vêtements, sacs à main, meubles), et conçoit ses oeuvres comme des clips, colorés, vifs, souvent drôles, parfois agressifs, bref avec autant d'efficacité que le font les créateurs commerciaux. La différence, c'est l'introduction systématique d'éléments de dérapage, comme les rayures, les barres de balayage, les couleurs violentes et baveuses, les flous et les tremblés dans l'image, la saturation et les dissonances pour les bandes-son: ce décalage est, selon Pipilotti, l'espace possible pour l'émergence du poétique. L'art du déplacement, la fausse naïveté: ce sont les lignes de force du travail de Pipilotti, proche du monde des rêves et de l'enfance, familier et totalement utopique.
Lysianne Léchot-Hirt
( Extrait de l'Encyclopédie nouveaux médias http://www.newmedia-art.org/ )