A Day To Remember, 2005

Betacam numérique PAL, couleur, son


Dans A Day to Remember, Liu Wei interroge seize étudiants à la sortie de l'Université de Pékin le 4 juin, le jour du 16ème anniversaire de la répression de Tian'anmen. Il leur pose à tous la même question : "Savez vous quelle date nous sommes aujourd'hui ?" Certains détourneront la tête et partiront sans vouloir répondre à la question. D'autres donneront des réponses erronées (la journée de l'environnement, la fête des pères …). La plupart resteront silencieux, puis diront qu'ils n'en ont aucune idée. Quelques uns tenteront néanmoins de répondre à la question. Le troisième homme interrogé dira : "Nous sommes le jour de l'anniversaire du 4 juin. Je ne peux en dire grand-chose, peu de personnes en parlent. Je ne sais pas grand-chose là-dessus, bye", un autre "Je suis désolé, mais je ne peux vous donner de réponse, tu sais de quoi tu parles, je ne peux pas répondre à cela". Beaucoup s'éclipseront à cause de la caméra : "Je ne veux pas être filmé, ne me filmez pas" …

Puis Liu Wei nous montre un homme dormant dans un bus d'un sommeil profond, comme ces étudiants, pourtant à l'origine il y a seize ans de la dissidence, mais aujourd'hui incapables d'en parler ou même de s'en rappeler.

Il s'est heurté à un mur : mur d'oubli, de nombreux étudiants ne savaient réellement pas à quoi correspondait le 4 juin, mur de peur, la plupart refusaient de répondre tout en étant filmés.

Liu Wei nous montre ensuite la place Tian'anmen, ses caméras de surveillance, ses défilés de policiers, des touristes sortis d'un bus en prenant des photographies, les drapeaux rouges flottant dans le ciel grisâtre, puis interroge de la même façon des promeneurs qui contemplent autour de lui la place. Toujours les mêmes réponses évasives ou fausses, jusqu'à la vingtième personne, une femme : "C'est l'anniversaire de la révolte étudiante. – Voulez vous dire quelque chose là-dessus ? – Non". Des jeunes sont assis sur les pourtours de la place, souriant, discutant.

Un jour pour se souvenir, mais un jour comme gommé des esprits, ou réprimé jusque dans leur fort intérieur. Un jour comme les autres, qui a perdu tout son sens et sa portée symbolique. Un jour à cacher, refoulé, oublié.

 

Elodie Vouille