30 Second Spots New York, 1980 - 1982
U-matic NTSC, couleur, son
A travers une utilisation intime et sensible de la vidéo, Joan Logue développe l’art du portrait. Après une formation en peinture et photographie au Mont St Mary College de Los Angeles, elle s’intéresse à la vidéo à la fin des années 1960 lors de la commercialisation par Sony de la première caméra portative, la Portapak. En 1979, elle expérimente un nouveau format de portraits vidéos très courts intitulé 30 Seconds Spot. C’est une série de portraits vidéo concis que l’artiste définit comme des spots publicitaires pour des artistes et leur travail. Dans une économie de moyen, devant un fond noir, chaque personnalité effectue une action souvent en gros plan face à la caméra. De ce format très court, il en ressort une sensation d’intimité avec l’artiste, un moment rapide de partage avec un visage habituellement peu mis en avant. Elle décline ce projet dans les villes de New York, Paris et San Francisco.
Dans 30 Seconds Spot New York, Joan Logue propose une présentation dynamique d’une vingtaine d’artistes issus de l’art, la littérature et la danse. Parmi eux le compositeur John Cage, dont l’humour est mis en avant, ouvre un bloc-notes et lit : “Dad says : Remember, you’re mother’s always right” puis il enlève ses lunettes et sourit “Even when she’s wrong.” Dans un impact visuel, l’artiste Tony Ramos tourne sur lui-même, un gros plan sur son visage divisé en deux parties, l’une blanche et l’autre noire. Le mouvement de rotation se fait de plus en plus rapide, créant l’effet d’optique d’un visage mêlant les deux couleurs. L’image est techniquement accélérée pour accentuer l’effet. Dans son portrait, Nam June Paik est assis devant un piano, il prépare ses mains comme un pianiste et se concentre en fermant les yeux. Il hésite à poser ses doigts sur le clavier, réfléchit et puis se ravise. Finalement, il plonge sa tête sur les touches et joue, tout en nuances comme un pianiste le ferait avec ses doigts. Laurie Anderson utilise quant à elle son corps pour émettre des sons. Son visage est en gros plan, d’abord de profil. L’artiste utilise ses poings pour frapper sur ses tempes et son crâne afin de créer un rythme dont le son est accentué par Joan Logue. Elle tourne son visage peu à peu vers la caméra tout en continuant ces mouvements rythmiques. Pour terminer, elle claque ses dents trois fois produisant un bruit sec augmenté par un effet d’écho. Le travail sur le son est également présent dans le portrait du musicien Yoshi Wada. Le cadre est composé d’un gros plan sur sa jambe et son pied actionne une pompe-gonfleur. Il crée un souffle rythmique accompagnant une musique électronique inspirée des chants de gorge bouddhistes. Dans un travail axé sur le mouvement, Joan Logue propose un portrait de la danseuse Lucinda Childs. Elle apparait à l’écran sur un fond noir. Ses mouvements répétés et accélérés dans un effet de stroboscope ne permettent pas de la distinguer clairement. Dans un effet de tracking, sa silhouette reste imprimée à l’écran et occupe ainsi l’espace. La danseuse apparait de nouveau, plus nette et exécute une série de pirouettes avec un effet d’écho dans l’image.
Dans 30 Seconds Spot Paris, Joan Logue propose un autre portrait d’un danseur-chorégraphe, Ushio Amagatsu. Par un jeu de lumière, elle esthétise le corps de l’artiste. Ces portraits vidéo sont un moyen concis de cristalliser un panorama artistique et intellectuel de la vie culturelle d’une ville dans les années 1980, tout en expérimentant de nouvelles techniques.
Priscilia Marques