Celtic +, 1971
Betamax, 4/3, noir et blanc, son
C'est en 1971, que se tient à Bâle l'action de Joseph Beuys Celtric + ~, une variante de Celtic (Kinloch Rannoch), présentée au College of Art d'Edimbourg en 1970. L'artiste s'inspire alors de l'imaginaire anglo-saxon, et notamment de la reprise chrétienne du mythe d'origine celtique de la quête du Graal. Joseph Beuys évoque le flanc percé du Christ en fabriquant, avec des matériaux de récupération, une lance qu'il tiendra, stoïque, pendant une trentaine de minutes. Il rappelle également la vie du Christ à deux autres reprises : lorsqu'il lave les pieds de certains membres du public, puis, debout dans un bassin, lorsque l'un de ses assistants reproduit le geste du baptême en lui versant le contenu d'un arrosoir sur la tête. L'accompagnement musical de certaines parties de l'action, constitué de sons de cloches et de reprises de thèmes de Gospel jouées au piano, participe également à la connotation ouvertement religieuse de Celtic +. Il serait cependant réducteur de limiter cette action à une simple évocation de la chrétienté. Joseph Beuys y projette certains de ses films, confronte comme à son habitude l'informe et le formé – ici en jetant de la gélatine sur un mur – mais surtout mène une réflexion sur le langage : il émet dans un micro des sons inarticulés, et dessine sur des tableaux noirs de nombreux schémas liés à la parole (les premiers reproduisent le fonctionnement du larynx et de la bouche alors que le dernier représente un objet issu de la tradition orale, le Graal). Juxtaposant des éléments liés au langage, à la sculpture et au salut, Joseph Beuys met en image sa conception d'un art à vocation thérapeutique, d'un art qui soit, par la parole, sculpture du corps social.
Philippe Bettinelli