Mediations (Excerpt from a Remake of Soundings), 1979 - 1986

U-matic, NTSC, couleur, son




Dans Mediations, Gary Hill utilise le même dispositif que Hollis Frampton dans Nostalgia. La vidéo prolonge ainsi, à sa façon, certaines recherches du cinéma expérimental. Mais ce n'est pas une photographie brûlant sur une résistance électrique que l'on voit au milieu de l'image, c'est un haut-parleur.
Le principe de la bande est le suivant : Gary Hill décrit ce qui se passe au fur et à mesure que sa main recouvre le haut-parleur de sable. Mais il y a une complication initiale, la situation n'est simple qu'en apparence. Cette parole qui sort du haut-parleur, que l'on voit vibrer, a plusieurs fonctions : en nommant elle fait voir, et produit un frissonnement du sable sur la membrane sonore. Voulant dire les événements et étant déjà elle-même événement, la parole ne réussit jamais à seulement dire ce qu'elle dit sans modifier au fur et à mesure ce qu'elle cherche à saisir. Des décalages l'écartent de toutes parts. Et Gary Hill ne cesse, par ses jeux de mots, ses chiasmes, de nous perdre. Un lien nécessaire est pourtant là, de façon évidente, puisque le sable, l'image, vibre avec les mots. Quand il y a trop de sable, la voix devient sourde : dans la continuité, du début à la fin, une discontinuité, un renversement s'est donc produit, c'est maintenant la parole qui est modifiée par le sable. La situation n'est pas symétrique à celle du début : le sable naturel tend à étouffer la parole, à lui imposer le silence ou le bruit à la place de sa puissance signifiante. Ce que Gary Hill découvre, ce n'est pas seulement "la puissance de la parole" (comme Godard dans la bande portant ce titre), c'est aussi la puissance d'altération du dehors.
Cette bande est elle-même son propre commentaire ; le texte indique les trois pôles entre lesquels tout se joue : le dire ("speak"), le voir et le toucher ("a hand enters the picture").


Paul-Emmanuel Odin