The Negotiating Table, 1983

Bétacam numérique PAL, couleur, son


A travers ses performances militantes et contemporaines de la guerre du Liban, Mona Hatoum confronte l'écart existant entre la réalité humaine et la représentation quotidienne qu'en font les gouvernements et les média. The Negotiating Table est une référence directe à l'invasion du Liban par l'Israël et a été réalisé juste après les violences. Avec un décor minimaliste, une table entourée de chaises vides dans une pièce sombre uniquement éclairée par une lampe, l'artiste évoque l'univers de l'interrogatoire, de la torture ou de la négociation. Dans le cadre de cette performance présentée pour la première fois en 1983 à la SAW Gallery d'Ottawa, l'artiste repose, allongée sur la table, empaquetée dans du plastique, immobile pendant trois heures le corps tâché de sang et couvert de viscères, et le visage, anonyme, recouvert de gaze chirurgicale. Ce corps sanguinolent évoque les victimes de guerres, et la table prend la forme d'un autel sacrificiel. L'artiste tend à confronter de cette façon l'urgence d'une situation de conflit et les prises de positions trop lentes des décideurs politiques, dont la présence lointaine est suggérée par la bande son accompagnant la performance ; des extraits radiophoniques évoquant la guerre ainsi que des discours de paix prononcés par des Chefs d'Etats occidentaux. Bien que certaines des premières performances de Mona Hatoum fassent directement référence, surtout par le biais de la bande son, à la guerre du Liban, cette thématique apparaît souvent en second plan dans ses œuvres, accordant une présence plus importante au corps. On retrouve cependant dans cette performance filmée les caractéristiques du travail de Mona Hatoum : une mise en scène significative, un traitement du corps distinctif et l'implication directe du spectateur. La performance n'a pas de construction narrative, elle puise sa force dans l'immobilité. Le spectateur, se tenant, debout à l'extérieur du cercle de lumière est confronté à sa propre inactivité, passivité et impuissance. De cette performance découle un fort impact émotionnel, provenant non seulement d'une représentation crue de la violence, mais aussi d'un engagement physique de l'artiste.


Priscilia Marques .