Clip Plus Oh !, 1996
Betacam numérique PAL, couleur, son
Après la mort de Michel Berger, France Gall décide de sortir un album avec plusieurs compositions de son ancien compagnon.Elle y réinterprète entre autres Plus Haut, une chanson écrite pour elle en 1980. Ce titre, dont les paroles sonnent comme un pressentiment[1], occupe la première place de l'album. France Gall veut confier la réalisation du clip à Jean-Luc Godard ; Warner Music suit ; Godard accepte. Rendez-vous est pris à Rolle, chez le cinéaste, le 28 mars 1996.
Godard, qui est plongé avec ses Histoire(s) du cinéma dans un travail de mémoire contre l'oubli du siècle et du cinéma, et qui a très souvent créé par amour pour des femmes elles-mêmes actrices ou cinéastes – Anna Karina, Anne Wiazemsky, Anne-Marie Miéville –, réalise alors un long entretien avec la chanteuse en qui il reconnaît quelque chose de sa propre histoire, que ce soit dans le couple d'artistes Gall-Berger ou dans cet album conçu par amour, en souvenir d'un disparu. Cette proximité lui permet de s'emparer pleinement du clip qui devient un prolongement de ses travaux en cours.
Petit essai autour de la métamorphose qu'accomplissent l'art, la beauté, l'amour ou le cinéma[2], le film monte et fond ensemble une image récurrente d'un court métrage de Godard où l'on voit un caméraman et un réalisateur sur une grue à contre-jour devant un écran blanc[3], de nombreuses reproductions d'œuvres de Manet, Vinci et Goya entre autres, des photos de Marlene Dietrich et Charlie Chaplin et, surtout, des extraits de films, Les Amants de la nuit de Nicholas Ray, Blanche Neige de Disney ou La Belle et la Bête de Cocteau, tous variations sur le mythe d'Orphée et l'amour bravant la mort que les paroles de la chanson évoquent. Entre ou à même ces images, des gros plans de la bouche, de l'œil et du visage flou de France Gall regardent et semblent chanter pour elles ou avec elles, non pas " plus haut " mais " plus ! oh ! ", comme un " encore " sans fin.
Judith Revault d'Allonnes
[1] Plus Haut / Celui que j'aime vit dans un monde / Plus Haut / Bien au-dessus du niveau de l'eau / Plus haut que le vol des oiseaux… [2] Entre autres, ces quatre phrases inscrites à l'écran : " L'art ne voit pas, il métamorphose ", " La beauté n'écoute pas, elle métamorphose ", " L'amour ne pense pas, elle métamorphose ", " Le cinéma ne parle pas, il métamorphose ". [3] Une bonne à tout faire, tourné aux Etats-Unis dans les studios de Francis Ford Coppola au début des années 1980.